436 oui, 241 non et 32 abstentions : c’est avec une majorité confortable (61,5 % de oui, 34% de non et 4,5% d’abstentions) que le Parlement européen vient d’apporter son soutien aux négociations politiques en vue de créer un marché transatlantique. Après avoir expliqué le contenu de cette résolution (lire Un Parlement européen qui dérive entre fermeté et naïveté), voyons ici quels sont les élus politiques qui soutiennent le projet de marché transatlantique… Et quels sont ceux qui s’y opposent ?
Nous allons partir du global (les grands groupes politiques européens) pour détailler ensuite certains votes particuliers (ceux des élus politiques belges et français). Et pour bien parler du global, présentons brièvement les groupes politiques présents au Parlement européen en commençant par les plus puissants d’entre eux (en nombre d’élus) :
- le Parti populaire européen (PPE - 217 Députés) rassemble des partis politiques nationaux de droite (comme Les Républicains français) et des partis politiques d’inspiration chrétienne (comme les CDH et le CD&V en Belgique) ;
- L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates européens (S&D – 189 Députés) rassemble essentiellement les socialistes de toute l’Europe (PS en France, PS & SP.A pour la Belgique) ainsi que quelques autres partis orientés à gauche (comme le Parti radical de gauche français) ;
- Les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE – 74 Députés) rassemble des partis de droite et de droite nationaliste (comme la NVA en Belgique ; aucun élu politique français n’en est membre) ;
- L’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE – 70 Députés) rassemble essentiellement des partis dits de droite et de centre-droite (comme le Mouvement Démocrate, l’Union des Démocrates et Indépendants ou le Parti Radical en France, ou le MR et l’Open-VLD en Belgique) ;
- La Gauche unitaire européenne/ Gauche verte nordique (GUE – 51 Députés) rassemble les partis politiques de la gauche dite forte ou radicale (comme le Front de Gauche et L’Union pour les Outremer en France ; aucun élu politique belge n’en est membre) ;
- Le Groupe des Verts/Alliance libre européenne (VERTS – 50 Députés) réunit essentiellement les partis politiques écologistes (Europe Ecologie en France, Ecolo et Groen en Belgique) ;
- L’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD – 45 Députés) est un groupe politique eurosceptique composé de partis hétéroclites ;
- L’Europe des Nations et des Libertés (ENL – 37 Députés) réunit des partis politiques de tendance nationaliste, raciste et xénophobe (le Front National en France, le Vlaams Belang en Belgique) ;
- Enfin, on trouve également 15 élus politiques non inscrits (parmi lesquels des dissidents du Front National en France)
Premier regard : l’échelle européenne
Les groupes politiques européens soutenant les négociations transatlantiques sont les suivants : le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes & démocrates européens (S&D), les Conservateurs et réformistes européens (CRE) et l’Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe (ALDE).
A l’inverse, la Gauche unitaire européenne (GUE), les Ecologistes (VERTS), l’Europe de la liberté et de la Démocratie directe (ELDD), l’Europe des nations et des libertés (ENL) et la plupart des élus politiques non-inscrits ont rallié le camp de l’opposition, et se sont opposés à la résolution votée le 8 juillet dernier.
Pour le dire en mots de tous les jours, la création d’un marché transatlantique est soutenue, à l’échelle européenne, par les partis de droite, de centre-droite, d’influence chrétienne et les socialistes.
Toujours à l’échelle européenne, les opposants à la création d’un marché transatlantique se retrouvent dans les rangs de la gauche forte/radicale, des écologistes, des partis autonomistes, eurosceptiques voire carrément nationalistes et xénophobes.
Dans pratiquement tous les groupes politiques, c’est à une écrasante majorité que les Députés membres ont suivi le vote majoritaire de leur formation. La seule exception notable est celle des Socialistes & Démocrates où une majorité importante (64% des Députés) a voté en faveur des négociations, mais où le poids des rebelles s’y opposant n’est nullement négligeable (31% de non et 5% d’abstentions). Ce qui s’explique surtout par les divergences de vues nationales, au sein de la famille socialiste, au sujet des négociations transatlantiques. D’où l’importance de nuancer le vote européen en scrutant les positions nationales.
Second regard : les votes français
En France, le soutien au marché transatlantique est venu essentiellement d’un parti : Les Républicains. Ses élus sont les seuls à avoir voté à 100% en faveur du marché transatlantique. La seule autre voix française favorable au marché transatlantique a été celle de Sylvie Goulard du Mouvement Démocrate (qui a voté comme son groupe politique européen : l’ALDE).
Tous les autres Députés français soit se sont abstenus, soit se sont opposés aux négociations transatlantiques.
Au rayon des abstentions, on retiendra trois membres du Mouvement Démocrate, un membre de l’Union des Démocrates & Indépendants et un autre élu (non affilié) membre de l’ALDE. Dans ce groupe politique européen favorable au marché transatlantique (ALDE), les voix françaises ont plutôt rejoint le camp des abstentionnistes. Un seul élu français membre de l’ALDE s’est opposé aux négociations transatlantiques : il s’agit de Jean Arthuis (de l’Union des Démocrates & Indépendants).
Les socialistes français ont également voté à contre-sens de leur groupe politique européen (S&D). Ce dernier, on l’a vu, a voté majoritairement en faveur des négociations transatlantiques. Mais tous les socialistes français (ainsi qu’une élue du Parti Radical de Gauche membre du S&D) ont voté contre la poursuite des négociations transatlantiques.
Enfin, au sein des groupes politiques européens opposés à la poursuite des négociations, c’est à l’unanimité que les élus français ont confirmé leur rejet du marché transatlantique : le Front de Gauche & L’Union pour les Outremer (groupe GUE), Europe Ecologie (VERTS), Joëlle Bergeron (sans étiquette, mais affiliée à l’ELDD) et le Front national (ENL) ont tous marqué leur opposition à la poursuite des négociations en vue de créer un marché transatlantique. Rappelons quand même que cette contestation unanime cache des projets de sociétés extrêmement variés, certains partis prônant des politiques de solidarité et/ou de respect de l’environnement là où d’autres attisent haines, peurs et discriminations.
Troisième regard : les votes belges
En Belgique, le soutien au marché transatlantique est venu de quatre formations politiques : la NVA (membre de l’ECR), le CD&V (membre du PPE), l’Open VLD et le MR (tous deux membres de l’ALDE). Le soutien au marché transatlantique est donc essentiellement le fait de trois partis néerlandophones et d’un seul parti francophone : le MR. Notons que ces partis forment l’actuelle majorité gouvernementale du pays, et ont fait inscrire le soutien aux négociations transatlantiques dans la Déclaration gouvernementale. Alors que son groupe politique européen (ENL) est opposé aux négociations transatlantiques, le seul élu Vlaams Belang (extrême-droite) s’est contenté de s’abstenir lors du vote au Parlement européen.
Au sein du PPE, Claude Rolin (élu du CDH) et Pascal Arimont (élu du parti social-chrétien des cantons de l’Est) ont fait œuvre de dissidence en s’opposant aux négociations transatlantiques. De même, l’ensemble des socialistes belges (PS & SP.A) ont marqué leur opposition au marché transatlantique alors que leur groupe politique européen (S&D) y était plutôt favorable.
Enfin, c’est sans surprise que les écologistes belges (ECOLE & GROEN) ont voté contre la poursuite des négociations transatlantiques. Rappelons, pour mémoire, qu’aucun élu PTB ne siège au Parlement européen.
Quel bilan retenir ?
Au niveau européen, le projet de marché transatlantique est soutenu de façon presqu’unanime par les partis de droite et les partis d’influence chrétienne. Cependant, deux sociaux-chrétiens belges ont pris leur distance par rapport à leur groupe politique (PPE), en s’opposant aux négociations transatlantiques.
La famille socialiste européenne est, elle aussi, majoritairement favorable à la poursuite des négociations transatlantiques… Mais la contestation interne gagne du terrain. L’ensemble des socialistes belges et français ont rejoint le camp des opposants à la poursuite des négociations transatlantiques. C’est une très bonne nouvelle !
Par ailleurs, les opposants de longue date au marché transatlantique dans l’enceinte du Parlement européen (que sont la GUE et les VERTS) ont confirmé leur position : tous les élus de gauche radicale/forte et tous les élus écologistes ont poursuivi leur travail de mobilisation contre le marché transatlantique en votant contre la résolution européenne.
C’est également le cas de l’extrême-droite française (mais pas de l’extrême-droite belge néerlandophone) qui s’oppose aussi à la poursuite des négociations transatlantiques. Mais là encore, rappelons que c’est au nom de valeurs (préférences nationales, rejet de l’autre…) qui ne sont certainement pas moins dangereuses que le « tout au profit des multinationales » servant de référence pour bâtir un grand marché transatlantique.
C’est pourquoi nous devons poursuivre notre combat, basé sur des valeurs démocratiques, écologiques et sociales. Peu à peu, nous gagnons du terrain dans le cœur des Députés européens, où la majorité favorable au marché transatlantique existe toujours, mais faiblit. Si le vote européen du 8 juillet 2015 était un vote « pour rire » (non contraignant), le Parlement européen aura vraiment le pouvoir de dire « oui » ou « non » - de façon contraignante ! – lorsqu’il s’agira d’adopter ou de refuser l’accord final. A nous de travailler, par nos analyses et mobilisations, pour rappeler à un maximum d’élus la raison pour laquelle ils siègent au Parlement européen : défendre l’intérêt général, et non celui des multinationales !
Si vous voulez vérifier par vous-même le détail des votes européens analysés ici,
rendez-vous sur le site de Vote Watch Europe