Le délai pour répondre à la consultation publique est désormais dépassé. Nous vous tiendrons au courant des retombées dès que la Commission européenne réagira sur le sujet
La Commission européenne se propose de faire revivre l’Accord Multilatéral sur I’Investissement (AMI), victorieusement combattu dans les années 1990. Cet Ami qui nous veut du mal porte aujourd’hui un nouveau nom, le RDIE (Règlement des différends entre investisseurs et Etats), mais son principe reste le même : permettre aux multinationales de contester des politiques publiques, en portant plainte contre les Etats devant des tribunaux internationaux où le droit belge n’est pas d’application. A la clé, les multinationales peuvent s’en prendre à des politiques sociales (comme le salaire minimum ou le maintien de l’index) et, en cas de victoire, gagner des millions d’euros de dommages et intérêts payés avec l’argent de nos impôts !
Pour combattre ce projet, il est impératif de répondre massivement à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur ce sujet. Malheureusement, le texte de la Commission européenne est écrit dans un jargon technique qui le rend incompréhensible. C’est pourquoi nous vous proposons de participer à cette consultation selon la démarche suivante :
- Consultez les réponses types
- Rendez-vous ensuite sur le site officiel de la consultation publique où vous trouverez le questionnaire en ligne
- A l’aide de l’onglet situé à droite et en haut de l’écran, choisissez la langue de votre choix
- A la 1ère question, cochez l’option « Je participe à la présente consultation en mon nom propre (en tant que citoyen/personne physique) »
- Pour chaque question suivante, copiez-collez les réponses-types
- Quand vous avez fini et que vous êtes sûr de vous, cliquez (en fin de document) sur l’onglet « SOUMETTRE ». Vos réponses sont alors envoyées à la Commission européenne.
Bien entendu, vous pouvez également choisir de répondre vous-même à chaque question mais en tenant compte des faits suivants :
- Chaque réponse est limitée à 4.000 signes maximum
- Vous avez 90 minutes pour répondre au questionnaire (passé ce délai, toutes les informations déjà encodées seront perdues).
Il est essentiel de répondre massivement et le plus vite possible (impérativement avant le 13 juillet 2014) à ce questionnaire pour faire échouer ce projet antidémocratique, qui s’inscrit par ailleurs dans un projet plus large : la création un marché transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis.
Petit retour en arrière...
De 1995 à 1997, l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI) avait été débattu, dans le plus grand secret, au sein de l’OCDE. Pour rappel, il s’agissait d’autoriser les multinationales à déposer plainte contre un ou plusieurs Etats, devant un Tribunal d’arbitrage international, dès lors qu’une législation ne leur convenait pas ou si un mouvement de grève devait nuire à la bonne marche des affaires (l’Etat étant alors jugé responsable de cette « grogne sociale »).
Grâce à la réaction et la mobilisation du monde associatif et syndical, cet AMI qui nous veut du mal finit par être enterré.
Cependant, l’AMI a généré des variantes sous forme d’accords bilatéraux sur l’investissement, inclus et adoptés dans des traités de libre-échange (comme l’ALENA unissant Canada, Etats-Unis et Mexique, par exemple). D’après la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement, le nombre de conflits et de pays poursuivis est en hausse constante : au total, 514 procès seraient ouverts par des multinationales contre 95 pays différents. Avec des décisions parfaitement révoltantes : par exemple, la République slovaque a été condamnée à dédommager l’assureur hollandais Achmea de 22 millions €, pour avoir limité les marges bénéficiaires dans le secteur (privatisé) d’accès aux soins de santé.
Si la Belgique a jusqu’ici échappé à de telles procédures, cela pourrait changer. En effet, l’AMI fait son retour sous un nouveau nom : le Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats (RDIE). Un RDIE que l’Union européenne veut inclure dans les traités de « libre-échange » qu’elle négocie actuellement avec le Canada et les Etats-Unis.
Une consultation « publique »
Alors que le Commissaire européen au Commerce Karel De Gucht voulait mettre en place ce RDIE de façon opaque, en négociant sa création sans consulter l’opinion publique, les mobilisations citoyennes l’ont obligé à reculer. Ceci a pu être possible grâce à des mobilisations citoyennes qui ont trouvé des relais politiques dans les rangs socialistes, écologistes et ceux de la gauche radicale.
Une consultation publique a ainsi été lancée. Si tout un chacun peut répondre à cette consultation publique, celle-ci a été construite de manière à décourager la participation des citoyens.
Qu’on en juge par sa localisation : on la trouve sur le site de la DG Trade, que nous consultons tous, bien entendu, chaque jour !
Qu’on en juge aussi par l’organisation du questionnaire : passé le cap des informations générales portant sur l’identité du répondant, ce dernier devra répondre à un total de 13 questions.
Les 12 premières questions sont toutes formulées de la manière suivante : s’appuyant sur les dérives constatées là où le RDIE existe déjà, l’UE relève certains dysfonctionnements auxquels elle propose de remédier par l’un ou l’autre aménagement visant, tous, à rendre légitime l’instauration d’un RDIE. À chacune des douze premières questions, nous sommes appelés à juger de la pertinence des améliorations suggérées par l’UE qui tait, dans toutes les langues, le point essentiel : la meilleure façon d’améliorer le système de RDIE est de ne pas l’adopter !
Mais comme l’ambition de l’UE est précisément d’imposer le RDIE à de nouveaux pays (comme la Belgique) par le biais d’accords de « libre-échange » transatlantiques, tout est fait (dans les douze premières questions) pour nous amener à souligner la bienveillance de l’UE corrigeant ce qui ne va pas dans un système RDIE présenté comme une procédure juste et sympathique.
Ajoutons que le vocable employé, terriblement technique, implique d’être familiarisé avec des principes juridiques tels que la clause de la nation la plus favorisée, la non-discrimination entre investisseurs, la prise de mesures à des fins prudentielles ou la constitution de listes d’exceptions transversales en lien avec l’équilibre à trouver entre la protection des investissements et le droit de réglementer des Etats. Bref, tout est fait pour éviter la réponse des mouvements sociaux, des travailleurs et des citoyens.
Finalement, seule la dernière question permet :
- de se prononcer pour ou contre le principe de RDIE,
- de faire des propositions pour améliorer le système d’investissement européen,
- d’aborder des questions (en lien avec le questionnaire) qui n’auraient pas été proposées par ses rédacteurs.