La démocratie repose sur une idée assez simple : la population élit des représentants politiques qui votent des lois, mettent en place un gouvernement et gèrent l’argent public. Si la population n’est pas satisfaite de ses élus ou de leur travail, elle peut en changer au cours d’élections tenues à intervalles réguliers. Ce principe simple - mais essentiel - de la démocratie est battu en brèche par le principe de la gouvernance, principe sur lequel repose le marché transatlantique.

Cette méthode de gestion de la chose publique, tant vantée par les médias et de plus en plus de politiciens, est en effet loin d’être neutre. Dans un modèle basé sur la gouvernance, les vrais décideurs ne sont pas mandatés par le vote des citoyens. Ils sont nommés par des institutions internationales et établissent leur politique en fonction d’une doctrine idéologique : les besoins des entreprises et des marchés financiers. 

Un exemple ? L‘Union européenne vient de mettre en place la gouvernance économique, qui interdit aux gouvernements nationaux de gérer librement leur budget, c’est-à-dire l’argent de la collectivité. Ce sont donc les instances européennes qui fixent les règles du jeu, en privilégiant des critères d’austérité et de privatisation qui vont avoir des conséquences dramatiques sur la vie des citoyens.

Le marché transatlantique fonctionne sur base du même principe. Par exemple, le Conseil Economique Transatlantique dispose d’un pouvoir considérable puisqu’il négocie des accords politiques qui concernent l’ensemble de l’Europe et les Etats-Unis. Pourtant, ses débats ne sont pas publics, les personnes qui y siègent ne sont pas élues, et leurs priorités sont en grande partie déterminées par les lobbys d’entreprises (de l’aveu même des dirigeants européens, le monde des affaires est le principal conseiller des relations transatlantiques).

Terminons par un dernier exemple : en 2008, la Commission européenne avait décidé d’autoriser l’importation de poulets américains plongés dans des bains de chlore. Mais, soucieux de la santé de la population, certains gouvernements nationaux s’y étaient opposés, faisant ainsi capoter le projet. En démocratie, on en serait resté là, chaque gouvernement gardant le droit de décider s’il veut ou non importer de tels poulets. Avec la gouvernance transatlantique, il en va tout autrement ! En effet, les Etats-Unis ont décidé de porter l’affaire devant un groupe « d’experts » de l’Organisation Mondiale du Commerce – organisation non représentative puisque composée de membres non-élus - qui aura le pouvoir d’arrêter la décision finale.

Pour aller plus loin 

G. Agamben, A. Badiou, D. Bensaïd, W. Brown, J-L. Nancy, J. Rancière, K. Ross & S. Zizek, « Démocratie, dans quel état ? », La fabrique éditions, 2009.

Europe Inc., « Comment les multinationales construisent l’Europe et l’économie mondiale ? », Editions Agone, 2000.