On associe souvent marché et liberté, croyant que le marché renforce nos libertés individuelles. Or, c’est souvent le contraire qui se passe : toutes les multinationales réclament (et obtiennent) des mesures répressives pour s’assurer qu’aucun trouble social (grève, manifestation…) ne viendra gêner leurs investissements. Dans le cas du marché transatlantique, la logique est la même. Ce projet renforce de nombreux domaines sécuritaires et répressifs pour répondre aux attentes des multinationales.

Dans le domaine commercial, les Etats-Unis et l’Union européenne négocient discrètement avec d’autres pays (Australie, Canada, Japon, Maroc, Mexique, Singapour…) l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). Objectif ? Renforcer le droit des multinationales de percevoir des royalties, en interdisant par exemple le commerce des médicaments génériques (moins chers que ceux des entreprises pharmaceutiques) ou l’utilisation de logiciels libres sur Internet. Des mesures de contrôle et d’inspection douanière sont également prévues pour nos outils informatiques (MP3, ordinateurs portables…).

Cependant, c’est dans le cadre de la lutte antiterroriste que la répression transatlantique s’annonce la plus féroce. Reposant sur une définition très floue du terrorisme (« contraindre indûment un Etat (ou une organisation internationale) à prendre ou à s’abstenir de prendre une décision »), ces législations font de toute personne ou tout mouvement social un suspect potentiel. Lesquels sont alors privés des droits démocratiques les plus fondamentaux tels que droits à la vie privée, présomption d’innocence, procès équitable…

Ainsi, une Directive européenne remontant à 2006 oblige tous les fournisseurs d’accès aux télécommunications (Internet, téléphone fixe et mobile…) à conserver durant des mois l’entièreté de vos contacts : qui avez-vous appelé ?  Durant combien de temps ? Qui vous a envoyé des mails ? Avec quelle technologie ? Où étiez-vous quand vous avez reçu ces messages ? Heureusement, certaines organisations organisent la résistance!

Des méthodes d’enquête spéciales permettent également d’intercepter vos courriers (papier et électroniques), de placer des micros et des caméras chez vous, et ce même si vous exercez une profession sensible comme avocat, journaliste, médecin. De février à avril 2011, la Sûreté de l’Etat belge a pratiqué ce genre de mesures à 417 reprises ! 

Enfin, les accords transatlantiques multiplient les transferts de données personnelles (noms, adresses, transactions bancaires…) de l’Union européenne vers les Etats-Unis et d’autres pays. Ces fichiers intéressent également les multinationales (friandes en renseignements sur le profil et les goûts des consommateurs) qui développent leurs propres outils d’espionnage ou rachètent les données en possession des Etats. 

Conclusion ? Le marché transatlantique, c’est vraiment tout, sauf la liberté ! 

Pour en savoir plus 

Jean-Claude Paye, « La fin de l'Etat de droit : La lutte antiterroriste, de l'état d'exception à la dictature », La Dispute, Paris, 2004. On retrouve dans ce livre toute la logique antiterroriste déshabillée… 

Ibrahim Warde, « Propagande impériale et guerre financière contre le terrorisme », Editions Agone / Le Monde diplomatique, 2007.